Laurence Ravinet, Coordinatrice d’Asmae au Liban, partage avec nous son expérience et nous alerte sur la situation des enfants.

3 mars 2017

« J’ai été touchée par l’espoir que véhicule les enfants syriens réfugies au Liban et nous avons la chance d’avoir des partenaires qui sont très investis dans ce qu’ils font ! »

 

Qu’est ce qui t’a poussée à t’engager avec Asmae ?

Je connaissais Asmae depuis longtemps et j’étais intéressée par son approche partenariale et le fait qu’elle travaille avec des acteurs locaux en renforçant leurs capacités. Cette approche fait d’elle une association spécifique dans le paysage des ONG françaises. Je suis convaincue que le développement passe par l’autonomisation et le renforcement des capacités des acteurs locaux.

Le poste de coordinateur au Liban m’intéressait parce que j’ai travaillé au moyen orient entre 2002 et 2005 et j’avais envie d’y retravailler car cette région me tient vraiment à cœur. Elle est très attachante et très accueillante.

 Un souvenir, une image forte ?

Nous avons la chance d’avoir des partenaires qui sont très investis dans ce qu’ils font et qui sont très humbles. Malgré le contexte de guerre civile à dimension confessionnelle et communautaire dans les années 1980 lors de la création de leurs associations, certains ont pris des risques très importants et des choix très engageants en allant travailler avec des gens d’une autre communauté que la leur. Ce sont des engagements assez similaires à celui de sœur Emmanuelle.

Sur le plan personnel, les déplacements sur le terrain nous impactent. Pouvoir échanger avec les enfants syriens m’a marquée émotionnellement. Malgré leurs conditions de vie très difficiles, ils véhiculent de l’espoir ! 

Laurence Ravinet. © Samuel Nohra
Laurence Ravinet. © Samuel Nohra

Quelle est la situation des enfants au Liban et quelles sont les problématiques prioritaires ?

La situation des enfants est très contrastée parce que la société libanaise est marquée par de fortes inégalités sociales et cela impacte les enfants. Aujourd’hui, à peu près le quart des enfants qui sont au Liban sont des Syriens et ils ont des difficultés d’accès à la scolarisation parce que l’administration ne reconnait pas le statut de réfugié et n’intègre pas leurs parents. C’est seulement à la rentrée scolaire 2015/2016 que le pays a ouvert les écoles publiques l’après-midi aux enfants syriens. Ils ne peuvent pas y aller le matin faute de places et aujourd’hui, nombreux ce sont qui ne sont pas toujours scolarisés.

Les enfants libanais sont quant à eux majoritairement scolarisés mais, on constate que dans les zones rurales, ils sont nombreux à quitter l’école précocement à la fin du primaire ou en début du premier cycle, faute de moyens financiers.

Même si la scolarité est gratuite, il y a beaucoup de frais annexes comme le transport et l’achat du matériel scolaire. En outre, de nombreuses familles préfèrent ne pas scolariser leurs enfants lorsqu’elles n’ont pas assez de moyens pour les envoyer dans des écoles privées à cause de la faible qualité du système éducatif public. Elles en déduisent que leurs enfants n’y apprendront pas grand-chose.

Enfin, les différentes formes de violences faites aux enfants constituent une problématique importante. Les punitions corporelles sont encore répandues et acceptées aussi bien dans les familles qu’à l’école. La société pense que punir un enfant c’est aussi l’éduquer. Cette question des violences domestiques reste encore taboue.

 

Dans la bibliothèque de Tebnine, les plus jeunes découvrent l’anglais tandis que leurs aînés font du rattrapage scolaire pour pouvoir intégrer les écoles libanaises. © Samuel Nohra
Dans la bibliothèque de Tebnine, les plus jeunes découvrent l’anglais tandis que leurs aînés font du rattrapage scolaire pour pouvoir intégrer les écoles libanaises. © Samuel Nohra

Pour aller plus loin : redécouvrez nos articles parus dans le journal Ouest France, Octobre 2016

Au Liban, les enfants syriens cherchent un avenir 

Le Liban et le défi des refugiés syriens